Moi, je n’ai pas pu. Pas ce jour-là.
Je me suis approché doucement, mains visibles, voix calme. Il a levé les yeux, embués, perdus. Il a soufflé une phrase qui m’a serré la gorge : il devait retrouver sa femme. Sauf que sa femme n’était plus là depuis des années.
Un thé chaud, un prénom… et une histoire qui se fissure

À l’intérieur, je lui ai pris un thé chaud, on s’est assis à l’écart, loin des regards. Il s’appelait Henri. Par bribes, son histoire est sortie : une mémoire qui se défile par moments, des confusions qui apparaissent comme des trous dans une route familière. Ce matin-là, il avait “rejoué” un souvenir : la station-service où il s’arrêtait avec elle, le dimanche, comme avant. Il cherchait l’endroit… et il cherchait surtout quelqu’un.
Je lui ai demandé s’il avait de la famille. Il a sorti un petit carnet usé, avec des numéros griffonnés. Et moi, naïvement, je me suis dit : bon, ses enfants vont venir, évidemment.
